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Les distributeurs, maillons stratégiques de la filière du cinéma, fortement affectés par la fermeture des salles

Enjeux Ile-de-France n°224

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Acteurs méconnus de la filière du cinéma, les distributeurs de films, très concentrés en Ile-de-France, ont démontré leur rôle stratégique lors de la crise sanitaire de 2020, ou plutôt lors des quelques mois de réouverture des salles après le premier confinement.

Ce sont en effet eux qui décident à quel moment un film sera projeté dans les salles. Ce choix a toujours supposé une prise de risque ; dans le contexte de la pandémie, il est devenu déterminant pour la pérennité des distributeurs eux-mêmes, mais aussi pour l’ensemble de la filière.

Un secteur très francilien

 Le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée (CNC) recense 971 distributeurs actifs en France ; une répartition par région n’est pas disponible, mais les syndicats profes­sionnels s’accordent à dire que le secteur est essentiel­lement voire presque exclusivement francilien.

Un marché dominé par quelques grands acteurs

Plusieurs types de sociétés cohabitent dans le secteur de la distribution cinéma--tographique :

- les énormes «majors » : Walt Disney, Warner Bros, Sony Pictures, Twentieth Century Fox, …

- les filiales de réseaux de salles : Pathé films (Paris 8ème), UGC Distribution (Neuilly, Hauts-de-Seine),

- les filiales de chaines de télévision : Société Nationale de Distribution - SND filiale du Groupe M6 (Neuilly, Hauts-de-Seine), Studiocanal de Canal+ (Issy-les- Moulineaux, Hauts-de-Seine), TF1 Distribution (Boulogne- Billancourt, Hauts-de-Seine),

- les distributeurs indépendants : grands (Wild Bunch, Paris 9ème), moyens (Pyramide, Carlotta films, Paris 10ème, Diaphana distribution, Paris 11ème), petits (Le Trident, Paris 1er, Bluma films, Paris 20ème).

Une activité placée sous le signe du risque

Le producteur confie au distributeur l’exclusivité de la commercialisation d’un film ; le distributeur agit comme un mandataire et se rémunère par une commission de 15 % à 25% sur le montant de la recette brute distributeur (les recettes des salles de cinéma, une fois les taxes prélevées, sont réparties équitablement entre distributeur et exploitants). Dans la plupart des cas, le distributeur contribue au financement du film en versant au producteur un « minimum garanti », c’est-à-dire non remboursable, même si les recettes du film sont ensuite inférieures aux prévisions. Si les recettes dépassent le minimum garanti, le distributeur verse les recettes au producteur une fois le minimum garanti amorti et perçoit un pourcentage plus élevé sur ces recettes (25 à 35%).

Avant la sortie en salles, le distributeur fait également l’avance de l’ensemble des frais liés à la sortie du film, qui lui seront remboursés si le film couvre ces frais.

Les frais de distribution recouvrent quatre grands domaines (Fig.2) :

- les frais techniques : fabrication des copies, doublage, sous-titres,… qui représentent 19% du coût de distribution d’un film,

- tous les frais liés à la promotion : locations de salles, honoraires des attachés de presse, avant-premières, frais de tournée, etc. (17%),

- le matériel publicitaire : conception et fabrication des affiches, bandes-annonces, spots radios, sites web, gadgets, etc.(10%)

- l’achat d’espace publicitaire : affichage, presse, radio, internet,… qui représente la majeure partie des dépenses (54%). Il doit donc attendre la sortie du film pour percevoir sa part des recettes, rentrer dans ses frais et dégager un bénéfice -dans le meilleur des cas.

Au moment de la sortie en salles, le distributeur a donc fait l’essentiel des investissements.

2020, une année catastrophique pour le cinéma

En 2020, en raison de la pandémie de covid-19, toute la filière mondiale du cinéma a été profondément affectée. Les cinémas français sont restés fermés cinq mois et ont connu quatre mois d’exploitation contrainte, avec une jauge de spectateurs limitée ou un couvre-feu à 21h. La fréquentation des cinémas a baissé de 70% par rapport à 2019. Selon le SDI (Syndicat des Distributeurs Indépendants), les distributeurs ont perdu en 2020 au moins 50 % de leur chiffre d’affaires, et parfois jusqu’à 80 %. Mais la situation de la distribution était structurellement tendue avant même la crise sanitaire.

Or les distributeurs jouent un rôle fondamental dans le financement des films français : ils investissent un minimum garanti dans la plupart des films. Le fait que la capacité d’investissement des distributeurs soit fortement réduite en raison de la fermeture des salles se répercute aujourd’hui sur l’ensemble de la filière cinéma en compromettant le financement de nouveaux films.

Un soutien public réel mais perfectible

Dès la première fermeture des salles en mars 2020, les pouvoirs publics se sont montrés très réactifs et ont pris en compte les difficultés de la filière cinéma via plusieurs aides financières.

Le choix a été fait alors d’intervenir auprès du secteur de la distribution via une bonification de l’activité, pour inciter les distributeurs à sortir leurs films à partir de la réouverture des salles, le 15 juin, durant l’été et à l’automne. Au moment de leur mise en place, ces mécanismes de bonification apparaissaient pertinents aux distributeurs, puisqu’ils reconnaissaient la difficulté de sortir des films à cette période et avaient un effet vertueux en incitant à développer l’offre, qui elle-même stimulait la fréquentation.

Mais aujourd’hui, alors que la seconde fermeture des salles se prolonge sans perspective de réouverture prochaine, ces mécanismes trouvent leurs limites . C’est pourquoi les trois syndicats professionnels de distributeurs appellent à changer de nature d’intervention. Les syndicats de distributeurs considèrent qu’il manque un outil structurel qui soutienne leur activité, et proposent un crédit d’impôt distribution, comme il en existe pour la production cinématographique, avec un plafond par film et par société pour que l’enveloppe soit prévisible et pour éviter que le dispositif soit concentré sur un petit nombre de films.

La perspective d’une reprise lointaine et embouteillée

Les distributeurs, comme les exploitants, souhaitent une réouverture rapide des cinémas, et réclament une concertation préalable, car la sortie d’un film nécessite d’être anticipée et organisée pour se passer dans les meilleures conditions. Or l’incertitude règne sur la date et les conditions d’une future réouverture, un couvre-feu ou une jauge de spectateurs très limitée auront un impact important sur la fréquentation et donc sur la rentabilité des films. Surtout, avec les reports successifs des films qui devaient sortir en 2020 ou début 2021, on estime à environ 350 le nombre de films en attente de sortie et les professionnels anticipent un engorgement important des sorties dans les premières semaines de réouverture. C’est pourquoi certains distributeurs, notamment les acteurs indépendants de taille intermédiaire, appellent à une forte concertation entre professionnels de la diffusion, sous l’égide des pouvoirs publics, pour établir un calendrier concerté des sorties.

(résumé de l'étude)

Auteur : Bénédicte GUALBERT

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