Sorry, you need to enable JavaScript to visit this website.

Une harmonisation européenne des règles sur le crowdfunding

Lettre CREDA-sociétés 2020-17 du 18 décembre 2020

visuel_lettres_creda

Le crowdfunding, ou « financement participatif », consiste à solliciter la foule, « crowd », pour financer différents projets et ainsi contourner les institutions traditionnelles du financement. Le crowdfunding au sens large illustre un phénomène qui existe depuis très longtemps, partout dans le monde, et en particulier dans les pays anglophones.

 

Cette lettre est téléchargeable au format pdf en bas de page

Les dernières lettres creda-sociétés

abonnement creda sociétés

En revanche, le crowdfunding comme on l’entend aujourd’hui a pris de l’ampleur aux États-Unis à partir de 2009, notamment grâce à la plateforme Kickstarter. Il existe différents types du crowdfunding qui répondent à des besoins variés, tant du côté de l’investisseur (crowdfunder) que du côté de la personne ayant besoin du financement (crowdfundé).

Au sens strict, le crowdfunding consiste à émettre des titres de capital ou de créance et doit être distingué du crowdgiving, consistant à financer un projet par des dons, et du crowdlending, consistant en un financement sous forme de prêt (rémunéré ou non). Il s'agit de permettre aux auteurs de projets de toute nature de les présenter sur des sites internet spécifiques à un très vaste public d’investisseurs sollicités pour participer à leur financement.

L’essor du crowdfunding et la réaction des législateurs en France et dans le monde

Le crowdfunding est en plein essor et connaît un grand succès depuis le début des années 2010 en France et dans le monde. S’il est perçu comme le dernier outil de financement arrivé sur le marché, et bénéficie de ce fait d’une fraîcheur et d’un effet de nouveauté créant un certain engouement, le financement participatif est cependant beaucoup plus ancien qu’on ne le pense. En effet, la mise en commun des ressources est bien plus ancienne que l’informatique elle-même !

Le crowdfunding s’est imposé depuis quelques années dans la vie des entreprises, et en particulier des PME, permettant la création et/ou le développement de beaucoup d’entre elles qui étaient confrontées souvent à la frilosité des banques traditionnelles. Le crowdfunding permet d’obtenir le financement d’un projet par la collecte de fonds, souvent des petits montants, auprès d’un large public d’investisseurs via une plateforme informatisée. Mais cette nouvelle ressource est aussi née de la frustration des entrepreneurs, des progrès de l’informatique grand public et de la démocratisation des moyens d’action par le public via des plateformes sociales, participatives et collaboratives.

Face à l’essor du crowdfunding, la nécessité d’une régulation s’est très vite imposée dans de nombreux pays. On peut notamment relever le Jumpstart Our Business Startups (JOBS) Act du 5 avril 2012 aux États-Unis, ou encore les législations britannique et italienne en la matière.

La France a rapidement suivi en adoptant l’ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 puis le décret n°2014-1053 du 16 septembre 2014, tous deux relatifs au financement participatif. Le décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016 relatif aux titres et aux prêts proposés dans le cadre du financement participatif et plus récemment la loi PACTE du 22 mai 2019 ont apporté des modifications au dispositif français.

La législation française, comme toutes les autres législations, tente d’instaurer le cadre et la sécurité juridique nécessaire au vu de la croissance fulgurante du crowdfunding. Cependant, les législations en la matière, notamment en Europe, sont très différentes, ce qui est regrettable.

L’adoption récente du règlement européen (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020 relatif aux prestataires européens de services de financement participatif pour les entrepreneurs, accompagné de la directive (UE) 2020/1504 modifiant la directive 2014/65/UE concernant les marchés d'instruments financiers, permet ainsi de surmonter, voire d’éviter, la fragmentation des droits via une pleine harmonisation des droits nationaux applicables au crowdfunding.

L’un des objectifs du règlement est d’apporter une diversité de projets ainsi qu’un nombre croissant d’investisseurs dans l’espace européenne. Dans cette dynamique d’interopérabilité des financements paneuropéens, le règlement met ainsi en place des mesures pour protéger et inciter les contributeurs à investir au niveau transfrontalier.

Les consécrations et changements opérés par le règlement sur le crowdfunding

Ce nouveau dispositif européen impose une adaptation non négligeable du régime français :

Le règlement européen donne naissance à un statut unique européen de prestataires de services de financement participatif (European Crowdfunding Service Providers, ECSP), obligatoire pour réaliser du crowdfunding au sein de l’Union Européenne. Un ECSP devra adresser une demande à l’autorité nationale compétente de l’État membre dans lequel il est établi, à l’AMF en France. Une fois agréé, le prestataire pourra proposer des activités de financement participatif sous forme de souscription de titres (crowdequity) et/ou de prêts portant intérêt (crowdlending) dans n’importe quel autre pays membre, sans avoir à effectuer des démarches supplémentaires. Ce nouveau statut remplacera les conseiller en investissements participatifs (CIP) et les intermédiaires en financement participatif (IFP) en France.

L’entrée en application du règlement est fixée au 10 novembre 2021. A compter de cette date, les plateformes existantes auront 12 mois pour obtenir un nouvel agrément auprès de l’autorité compétente. L’AMF envisage de prévoir une procédure allégée pour les prestataires existants.

Les prestataires de services de financement participatif seront soumis à diverses obligations organisationnelles, de transparence, de gestion des conflits d’intérêts, de diligence et de gestion des réclamations.

Le règlement vise aussi à renforcer la protection des investisseurs. Il distingue ainsi les investisseurs avertis et non-avertis (« non-sophisticated »), ces derniers bénéficiant de mesures de protection spécifiques plus protectrices encore que celles qui existent aujourd’hui en France.

Le nouveau régime est fondé sur un statut de réception transmission d’ordres (RTO) et non pas de conseil, contrairement au régime français actuel, allégeant ainsi la responsabilité de la plateforme. En revanche, les ECSP pourront désormais proposer des services annexes.

Le montant maximum pouvant être levé par un porteur de projet est fixé à cinq millions d’euros par année dans l’ensemble de l’Union européenne. Pour la France, cette nouvelle règle peut être perçue comme un frein à la croissance du crowdfunding. Mais en réalité le marché français dispose encore d’une marge de manœuvre avant d’arriver au seuil imposé par le règlement européen, même si cette baisse du plafond aurait probablement des conséquences sur la vitesse de développement de certaines branches du crowdfunding.

Les plateformes ECSP devront établir une fiche d’informations clés sur l’investissement pour chaque offre d’investissement et la publier sept jours avant la mise en ligne du projet. Ce document d’information, au contenu préétabli et de six pages maximum, ne fera l’objet d’aucun contrôle préalable par les autorités compétentes. En France, les plateformes d’investissement doivent déjà publier un Document d’information réglementaire synthétique (DIRS) présentant des informations sur la personne porteuse du projet et les risques liés à cet investissement ; elles n’étaient toutefois pas contraintes par une temporalité spécifique.

L’ensemble de ce nouveau dispositif devrait harmoniser la réglementation du crowdfunding dans les pays de l’Union européenne et favoriser le développement de ce mode de financement original.

Katrin DECKERT
Maître de conférences Université Paris-Nanterre

 

...

Partager
/v